Pourquoi l’enfant maltraité est généralement le plus brave

Deux jeunes femmes partageaient le même mari. Une des jeunes épouses, Awa, avait un enfant mais l’autre, Fatim, n’en avait pas.

Un beau matin, les deux jeunes femmes décidèrent de se rendre à la pêche, en contra-bas du village. Awa voulait laisser son enfant au village, en compagnie de ses camarades, mais celui-ci n’avait pas envie et avait plutôt le désir de suivre sa mère, Awa laissa néanmoins son fils et s’en alla avec Fatim.

Au bout de quelques centaines de mètres, Awa, sans doute poussée par une intuition, se retourna et regarda derrière elle. Elle vit son fils courir vers elle, en pleurs. Quand celui-ci arriva a son niveau, elle le gronda très fort. Puis elle se radoucit, et demanda à son enfant de s’approcher. Elle le saisit alors brusquement et le tua, le mit en morceaux, puis le laissa là et pressa le pas pour rejoindre sa coépouse, qui avait continué sa route.

Mais, derrière elle, les morceaux du jeune garçon qui venait d’être tué se rassemblèrent. Ainsi ressuscité, l’enfant continua à suivre les deux jeunes femmes.

Bien plus tard, assises au bord de la rivière, elles avaient commencé à pêcher. Aucune d’elles n’avait remarqué la présence de l’enfant tué qui se tenait debout, non loin derrière.

Soudain, Awa se retourna, elle ne comprenait rien et tremblait de peur. L’autre femme, voyant le visage effrayé de la jeune mère, s’inquiéta à son tour, d’autant plus qu’elle était persuadée que le jeune garçon était resté au village avec les autres enfants de son âge.

Les deux femmes firent néanmoins asseoir le garçon, et lui tendirent du poisson fraîchement pêché. L’enfant mangea sans prononcer le poindre mot.

La journée s’écoula et la nuit commença doucement à tomber. Les deux femmes ne parvenaient pas à rassembler tous les poissons qui grouillaient au bord de l’eau. Elles ramassèrent cependant ceux qu’elle avaient déjà pêchés et se mirent en route vers le village le plus proche, pressant le pas car le temps changeait et il commençait à pleuvoir.

Elles se réfugièrent dans une hutte au bord de la forêt afin de se protéger de la pluie, puis, voyant que la pluie ne cessait pas, elle s’installèrent et allumèrent un feu pour la nuit.

Or, c’était la maison du diable. Ce denier trouva les deux femmes et l’enfant et s’écria :

J’ai beaucoup de viande aujourd’hui ! Quelle chance !

Les deux femmes, exténuées, s’endormirent. L’enfant, quant à lui, était allé se caché sous le lit du diable. Le diable arracha les yeux des deux femmes, les posa au milieu de la table, puis il entrelaça la porte de plusieurs lames afin de les empêcher de sortir. Ensuite, il alla chercher ses amis et sa famille en leur disant qu’il allait organiser une grande fête : il avait l’intention de manger les deux jeunes femmes avec tous ses proches.

Entre-temps, l’enfant mystérieux, qui avait tout vu mais ne s’était pas fait remarquer, récupéra les yeux et le refixa sur la tête de sa maman et sur celle de sa belle-mère, puis dénoua les lames qui empêchaient la porte de s’ouvrir. Tous purent alors sortir de la hutte.

L’enfant prit la main de chacune des femmes et leur dit de se dépêcher de rentrer dans le village, car le diable, à coup sûr, n’allait pas tarder à revenir et remarquer leur fuite. Tous les trois arrivèrent sains et saufs au village.

Les femmes se mirent à raconter l’incroyable histoire qui leur était arrivée. Les villageois remercièrent le jeune garçon et lui offrirent de très nombreux cadeaux.

Sans son enfant, la jeune maman et sa coépouse auraient de toute évidence été dévorées par le diable, et ses amis.

C’est pourquoi, dans de très nombreuses familles africaines, l’enfant le plus maltraité est toujours le plus illustre, le plus brave et le plus grand sauveur de la famille.