Il y a très longtemps, au tout début du tout premier commencement, un lézard et un œuf ont eu envie de manger un raisin. Ils partirent dans la brousse et se mirent à la recherche d’un beau raisinier. Ils cherchèrent longtemps et finirent par trouver un bel arbre couvert de fruits. Le lézard grimpa immédiatement dans l’arbre et sauta de branche en branche. L’œuf, quant à lui, eut beaucoup de mal : il essaya de grimper mais il n’y parvint pas. Le lézard descendit de l’arbre et lui vint en aide. Il poussa l’œuf par derrière et finit par le hisser tant bien que mal sur les premières branches. Tous les deux se mirent alors à manger du raisin. Ils en mangèrent à tel point qu’ils eurent plein la panse, à tel point qu’ils ne pouvaient plus avaler ne serait-ce qu’un seul grain.
Ils décidèrent de redescendre. L’œuf eut de nouveau beaucoup de mal : il roula, glissa, puis cria « à l’aide » au lézard qui l’attendait en bas de l’arbre depuis déjà un moment.
Le lézard fit comme son ami lui avait demandé : il posa autour des racines de l’arbre un tas de terre et de feuilles. Mais l’œuf perdit l’équilibre et tomba sur une grosse pierre que son ami n’avait pas eu le temps de recouvrir, et se brisa en mille morceaux. Plus d’œuf !
Le lézard se mit à rire comme un fou, lorsque soudain une herbe haute et coupante lui trancha le cou. Plus de lézard !
L’herbe se mit à rire à son tour, lorsqu’un feu se déclencha et la brûla entièrement. Plus d’herbe ! Le feu se mit à son tour à rire, quant de l’eau vint l’éteindre. Plus de feu !
L’eau se mit à rire, mais les animaux sauvages arrivent et la burent entièrement. Plus d’eau !
Les animaux sauvages se mirent à rire, mais des chasseurs les entendirent. Ils s’approchèrent et les tuèrent. Plus d’animaux sauvages !
C’étaient maintenant au tour des chasseurs de rire. Ils rirent encore et encore quand la mort arriva et vint les prendre. Plus de chasseurs !
C’était alors à la mort de rire. Elle s’étouffa de rire lorsque la vie arriva et vint l’étouffer. Plus de mort !
La vie ne put s’empêcher de rire. Elle se mit à rire de bon cœur lorsque Dieu arriva et vint la détruire : Plus de vie !
Le monde, lui-même, fût anéanti. Dieu est très sérieux. Il n’a pas ri, ni même souri. Et quand le monde fut complètement anéanti, Dieu en créa un nouveau, celui-là même où l’on vit aujourd’hui, ici.
La création du monde dans lequel nous vivons s’est déroulée comme ça, et pas autrement.
Source : REUSS-NLIBA, Jessica et Didier, 2018. Aux origines du monde : contes et légendes du Sénégal. Paris : Éditions Flies France. ISBN 978-2-37380114-9.