Deux amis d’enfance vivaient dans un même village. L’un avait la chasse et la pêche passions, l’autre, diseur des vérités, affectionnait les mystères.

Un jour, le chasseur alla emprunter pour la chasse le chien de son voisin et ami.

– Je te prête mon chien, Lufu, à une condition : me le ramener sain et sauf. Si tu n’entends plus sonner sa clochette, ne l’appelle jamais par son nom ! Il reviendra de lui-même.

Satisfait et enthousiaste, le premier emmena le chien, le long de la rivière.

Dans les champs, les tournesols aux allures de princesses dispensaient leurs grâces légères au vent. L’herbe frissonnait dans le silence. De part et d’autre, on entendait des crissements d’insectes. Les nuées laiteuses du ciel grandissaient sous le pli du vent. Le soleil à l’horizon remuait les dernières ténèbres. Le crépuscule serrait les nuages. Les fleurs d’hibiscus el les anémones couvraient les pentes des collines.

Après d’innombrables heures de battue, il avait capturé beaucoup de petits gibiers et une gazelle. Le soir, à l’heure du retour au village, l’homme s’aperçut qu’il n’entendait plus la clochette ni les aboiements de l’animal dont il avait la garde. Des cris effrayants venaient de la forêt. Il n’osa pas aller de ce côté-là.

Ne pouvant avancer par peur, il prit le chemin vers les habitations qu’il apercevait au loin. Après un court silence, les hurlements recommencèrent. Il devint inquiet.

En traversant ce village de savane, il s’aperçut qu’il n’y avait pas d’êtres vivants. Et pourtant, il entendait des voix. Il emprunta une allée de cocotiers en pressant le pas.

Soudain, un coup de vent secoua les arbres, parsemant le sol et herbe de noix de coco. Interloqué, le passant se dit :

– Cet endroit est effrayant. Je serais plus rassuré si le chien perdu réapparaissait à mes côtés.

Le calme revenu, l’homme reprit ses esprits. Longtemps, il marcha, craintif, mais épuisé.

Il attendit longtemps et finit par s’impatienter. Il était à présent fâché contre le chien qu’il jugeait indiscipliné.

Commençant à s’énerver, il oublia la consigne et l’appela énergiquement, mais le chien ne réapparut pas. La nuit tomba et il rentra au village sans le chien.

Et là, il trouva son ami mort à côté du chien qu’il avait pourtant perdu dans la grande forêt.

Source : KAMANDA SYWOR, Kama, 2004. Eben’a. Paris : Éditions Eben’A. ISBN 978-2-913123-02-1, pp. 864-866.