Des montagnes vertes cernaient l’horizon aux couleurs jaunes comme les plumes du rollier. Sous le soleil, un homme isolé au plus profond de la savane parlait à voix haute :

– Ô esprit de la forêt, fais de moi ton incomparable chasseur ! Ô génie, accorde-moi un arc étincelant comme une étoile et flamboyant comme une flamme ! Je suis avide d’exposer aux yeux du monde ton insondable puissance.

Soudain, une tornade surgit de la poussière. Un souffle venant des branches d’arbres agita l’herbage, troubla le calme de la rivière environnante et souleva les feuilles mortes. Et le génie se manifesta par les éclairs :

– Tu m’as convoqué, homme, me voici prêt à satisfaire ton vœu le plus cher ! Que veux-tu faire de cette flèche de feu ? l’interrogea-t-il.

Cette question sembla embarrasser Amis. Il parut en proie au doute et chercha une réponse pouvant satisfaire son interlocuteur.

– Je désire chasser des êtres invisibles, mais aussi des revenants et des esprits malfaisants.

– Je te confie mon arc aux flèches de feu. Il te permettra d’abattre les esprits et les animaux ! Mais prends garde à blesser ou à tuer par vanité !

– Ô maître de la savane, merci infiniment ! Je saurai te témoigner ma gratitude ! répondit le bénéficiaire de l’arc étrange.

Aussitôt qu’il eut reçu cet objet tant convoité, il se mit à danser de joie.

Le génie l’abandonna et plongea dans les profondeurs de la forêt en modifiant son apparence à chaque mouvement. Désormais heureux, le jeune homme aspirait à conquérir le monde. Dès ce jour, il usa de ce nouveau don avec une passion ardente.

Il se trouvait que les esprits de la forêt étaient en guerre. Tous pourvus de nombreux pouvoirs, ils se changeaient indistinctement en arbres, en brins d’herbe, en hommes ou en animaux.

Un jour, Amis et ses amis, assis dans le village pour se reposer à l’ombre d’un manguier, virent arriver, sur une des branches de l’arbre, une roussette avec une tête de femme. Elle se posa là, indifférente à leur présence.

– J’ai là l’occasion de vous démontrer l’efficacité de mon arc aux flèches de feu, affirma le jeune homme à ses voisins. La chance est avec moi puisque cet être surprenant est venu s’offrir à notre curiosité !

Le vaniteux courut vite dans sa maison récupérer l’arc enchanté et une des flèches. Ses compagnons se réjouissaient déjà à l’idée d’abattre bientôt un être mystérieux.

Le chasseur sortit l’arc et, sitôt qu’il s’apprêta à tirer la flèche, il entendit la chauve-souris à la tête de femme l’interroger :

– Qui veut tirer sur l’esprit sacré ? Les dieux ne peuvent pas être tués par les hommes, sinon qui va les pleurer ?

L’homme s’arrêta un moment, réfléchit et se dit :

– Je n’ai pas peur des dieux ni des esprits.

Avide de prouver son pouvoir, il décida de se mesurer au génie quitte à causer un grand malheur.

Il arma l’arc de toutes ses forces et lâcha, avec la plus grande précision, le projectile enflammé. L’arc se transforma en brasier et se consuma. La chauve-souris s’envola vers la forêt épaisse, laissant l’homme effondré à cause de sa vanité.

Source : KAMANDA SYWOR, Kama, 2004. Eben’a. Paris : Éditions Eben’A. ISBN 978-2-913123-02-1, pp. 448-450.